Extrait d'interview de Rico dans le Légume du jour #5 par Max Well
Parle nous de la période pré-Gougnaf, le zine, la radio ?
Rico : après 4 ans de semi-exil parisien, je suis revenu en banlieue en janvier 83 et j'ai commencé
une émission sur RVO, une radio résolument libre, au fin fond d'un pavillon ! Il y avait six émissions
de rock dont une de hard "Le jour du saigneur" qui continue toujours sur radio Val, de même que
British Connection l'émission de Philippe en faisait partie aussi. "Rock'n'Roll Circus" était fait par
un fan des Stones et un vrai punk-rockeur de banlieue comme on n'en fait plus, l'espèce de mélange
de Rudeboy/Punk de HLM assez génial, un érudit du rock dans l'esprit rebelle de 77, l'émission était
fabuleuse, ils faisaient ça "en direct d'un commissariat" avec tous les bruitages !! Et moi je faisais
avec un keum "Un petit Machiavel pour un grand destroy" une émission de Rock & BD. On délirait
assez, genre l'aérobic en verlan, l'interview de Tintin après la mort d'Hergé, ou celle de Ian Curtis
avec les spirits !! La radio n'a pas été derogée vu qu'à 500m il y avait la plus grosse radio de l'Essone,
tenue par le PC et le Conseil Général (on y trouvait d'ailleurs Laurie de Oui FM). Notre émission a
duré de février 83 a août, et depuis juin, j'avais ce projet de fanzine avec un autre mec de la radio,
et puis j'avais rencontré les mecs de 13ème Section (futur Guadalcanal) de Morsang sur Orge
comme moi, et le frère du chanteur qui était un punk rock de la rue, Mortback le personnage essentiel
de la vie de Gougnaf. Nous avons alors monté des plans sur la comète ! En novembre 83 je disais
à Mortback, on va faire des concerts, des zines, sortir des K7 ... et il était assez sceptique y'avait
de quoi ! J'avais fait un mois de fac a Tolbiac en prépa d'Eco et il fallait choisir ! J'ai choisi
"La banlieue des Machiavel" et j'ai rédigé le numero à la fac, avant de me vessau vite fait !
Parallèlement, j'ai rencontré Los Olbidados, un groupe de Juvisy, qui fréquentaient le même lycée
que les Brigades.
Quelles ont été les différentes périodes de Gougnaf ?
Trois périodes : Juvisy, Angers et Lyon. Disons que l'âge d'or, le "golden age" comme dirait Rocky
de Closer, c'est quand même Juvisy à cette epoque on avait les yeux qui brillaient à chaque nouveau
disque ! On a peut-être fait une erreur en partant, il y avait une approche différente dans la mesure
où nous étions tous fondateurs du label, pourtant on n'avait rien à voir les uns avec les autres, on
s'était rencontrés par hasard, on n'était pas très "érudits du rock" malgré tout beaucoup de choses
nous ont liés, le fait d'être banlieusards par exemple, et là dessus je pense que des gens comme
Rascal ou Ronan (que je respecte beaucoup) ont du être un peu jaloux parce que leur label (Crewpy
Crawly) n'a pas décollé, ce qui est ridicule, mais nous étions les banlieusards branleurs sans crédibilité
r'n'r, simples, drogués et alcooliques, et non pas des Chabadas parisiens. Pourtant j'habitais Belleville
au moment des Cascades et Palikao, et en plus nous avions une conscience politique, mais bon ceci
est une parenthèse. Ce qui a été important dans cette première période, c'est le 45T des Thugs
qui a eu un énorme impact (3000 45T vendus), un disque qui a marqué beaucoup de gens. Ensuite
il y a eu la compil "Les Héros" (du peuple sont immortels) qu'était un rêve de deux ans; j'étais fan
de "On est pas des sauvages", et ça représentait toute cette scène plus la scène parisienne et les
Babylon que nous ont proposé Kronchtadt avec qui on réalisait le projet. Et puis le Parabellum qui
a bien fait changer des choses, d'une part la plus grosse vente du label, le début d'une certaine
crédibilité nationale et aussi le moment où Madrigal (le distributeur) a commencé à avancer les
coûts de fabrication, alors qu'avant on devait tout payer, ça a été un grand ouf !
Quels sont les gens qui ont participé au label ?
Au départ, il y a donc eu des gens de Morsang, Ste Geneviève des Bois, Grigny, Juvisy, Draveil,
on était tout une raya, 22 personnes, quand le label a commencé en mai 84. Et chacun a cassé sa
tirelire pour le disque d'Ultraviolet. Il y avait Mortback (bassiste de Kolerat, Lord Eva Braun et
Working Class Cirhose), un de ceux qui ont assuré le plus, c'est grâce a lui que le zine "Les Héros
Du Peuple Sont Immortels" est sorti régulièrement, il était aussi notre "attaché de presse" parisien.
J'ai mis des années avant de rencontrer Marsu et Yves de VISA, c'était Mortback qui servait de
lien avec plein de gens. Christian lui allait devenir le manager des Thugs (et le chanteur de Punk
Rebelle !), un gars hyper fun, une espèce d'intelligence à la Coluche, une vision assez brillante,
par exemple il fallait casser des gens c'était hyper bien vu ! En plus il a beaucoup participé au
financement du label avec Kasket. Kasket (chanteur du Working Class Cirhose) un personnage
assez improbable de la scène, qui a compté beaucoup, humainement à mort et financièrement
aussi. Il bossait à la mairie de Juvisy et nous a facilité plein de choses (courrier !). On l'appelait
notre Working Class Heroe, ce qui explique le nom de son groupe. Il y avait justement ce que l'on
appelait les jeux de mots Kasketiens ! Quand tu lis les Héros, il y a en avait plein ("Charles
Pasquatt" !). Un mec assez fin, pas toujours rigoureux, dans la tradition gougnafiere !! Et puis
Gaelle, un peu la mascotte du label, elle nous filait plein de coups de main. Il y avait Martin
Reinardt, un allemand qui habitait Bologne, un peu baba schizo, improbable, en rupture avec sa
famille un peu bourge, un gars sincère qui a continué de suivre ce qu'on fait. A nous 6, on
formait le noyau de base de Gougnaf, car évidemment sur les 22, y'en a qui n'ont fait qu'un bref
passage :-) C'était quand même assez astreignant. Pour Angers, il y a eu Eric des Thugs,
Doudou (Christophe Davy), qu'est devenu leur manager après Christian, qui montrait déjà
preuve de rigueur, assurait ce qu'il disait jusqu'au bout, ce qui n'était pas une denrée partagée
par tout le monde ! Casbah espèce de héros local, hyper talentueux mais hyper feignant et branleur !
très fun, qui a été le second bassiste des Noodles. Plus Christian, moi et Juliette (Euthanasie !
manageuse des Sheriffs et rédactrice d'OEPDS) qui était arrivée dans le label sur la fin de Juvisy
et qui était à l'origine du Wardene qu'elle a vraiment tenu jusqu'au bout, alors qu'au départ je n'y
étais pas favorable, et qui s'est révélé une excellente chose. Dommage aujourd'hui il n'existe pas
un seul zine de news. Pendant ce temps il restait une équipe à Juvisy : Mortback et Kasket.
Aujourd'hui à Lyon, nous sommes 4 : Cyril qui bosse aussi avec Gymnote, un gars talentueux qui le
gache un peu fou parfois, dans la tradition Gougnaf, il est aussi chanteur de The Bikes, et puis Bob
et Mai qui assurent très bien. Voilà !
Les Thugs, que peux tu nous dire sur le groupe, anecdotes, impressions, et participation au label ?
Déjà ça fait deux fois qu'ils me confient leur bio a rédiger et j'en suis très flatté. En ce moment où
ça crise de partout, on s'aperçoit que Les Thugs ont suivi une trajectoire qui, même tortueuse ou
empirique, les a amenés à être le groupe le plus connu à l'étranger. Et je hurle de rire quand j'entends
tous les crétins qui disent "Christophe Sourice est un mauvais producteur", car lorsque Iain Burgess,
producteur de la scene HC de Chicago (Big Black, Naked Raygun ...) et des MC4, veut retravailler
avec lui (il a co-produit Still Hungry) ou que 4 Eyes Thomas le producteur des Nomads, ou Jello
Biafra adorent le son des Thugs, je rigole quoi ! Alors que certains produisent des disques archi-
lamentables, et je pense aux gens des Snapin' Boys ou au Chinois qui a produit pour Boucherie,
Les Thugs sont le seul groupe crédible à l'étranger pour pas mal de gens. C'est une bonne revanche
pour Christophe qui est un mec vraiment bien. Ensuite, alors qu'ils avaient déjà assez frappé les
imaginations, je pense que le nouvel album va assoir tout le monde, vraiment ! Il faut qu'ils en
vendent au moins 10000 en France sinon ce n'est pas normal ! Je crois qu'en 95 les gens diront
en 95 "ah chiale ! chiale ! Zarma ! Les Thugs c'était génial" comme on a dit pour Marquis de Sade
ou Radio Birdman, le syndrome qui "pue de la gueule" quoi ! Les Thugs seraient américains, tout
le monde serait à genoux devant eux ! Ils banalisent l'exploit, tournent aux States avec PIL et
SNFU, se font cirer les bottes par 4 Eyes Thomas, inviter à bouffer par Jello Biafra, jouent dans
toute l'Europe, sortent des disques en licence jusqu'en Grèce, et personne n'en parle, alors
que les Négresses Vertes se grattent le nez et toute la France est au courant !! C'est révoltant.
Ils sont sans doute trop en avance ! Il y a cet album des Dogs "Too much class for the neighborhood",
ca s'appliquerait plus aux Thugs qu'aux Dogs !! Pour ce qui est de leur participation au label,
comme j'ai dit Eric et Doudou ont été très actifs, ils ont été des Gougnaf a part entière Christophe
a produit pas mal de groupes pour le label et ca continuera ; Ménardo (Thierry) ou Véro sont
tous très proches du label. C'est sûr qu'en commençant le label avec Les Thugs nous avons
fixé très haut la barre des rapports humains avec un groupe, et même si la plupart des groupes
ne sont pas des crétins, Les Thugs sont assez exceptionnels de ce côté là, et il faut que les
gens le sachent et pas seulement les zines, mais le public. Ils ont quand même réussi à faire
un disque Gougnaf, un Closer, un en licence New Rose, et un Bondage ! Evidemment les
mauvais Boucherie n'aiment pas Les Thugs ! :-) Pour ce qui est des anecdotes, tout sera dans
Combo #3. La première fois qu'on les a vu ils étaient tout cool ! hyper gentils, ils ont dormi chez
moi, ont fait la vaisselle et le p'tit dej' avant de me réveiller ! Et le soir même sur scène, c'était
du délire. On se regardait sans comprendre, Eric se roulait par terre en se tapant la tête sur la
scène, Ménardo tel un Lamartine regardait le fin fond du lac d'Annecy !! grandiose, tel avec sa
tronçonneuse à la main, une espèce de romantisme urbain assez intéressant, Gérald pogottait
avec le public et Néanderthal 1er à la batterie nous faisait "le train sifflera trois fois" !! avec ses
choeurs sortis d'on ne sait où ! C'était grand ! Mortback qui pensait que c'était un vulgaire groupe
de r'n'r a pris la grosse kecla, Kasket est venu me voir au bout de 3 titres pour me dire "il faut
faire quelque chose ! un disque ? c'est balaise méga". Exceptionnel ! On a bouffé ensemble,
et fait une radio. Trois semaines plus tard on allait les voir a Angers ! La semaine où ils ont
enregistré à Juvisy avec Godefroy de Maupeou, on a vu les Nomads et le Gun Club (et la première
apparition des WDC et Cherokees au Jimmi), et Les Thugs étaient largement à la hauteur !
Dernière chose, y'avait un jeu entre Eric et moi sur Nineteen, qui pour moi étaient des gens
sectaires, et puis il y a eu la chronique du 45t, et quand même c'était LA chronique !! Ça a
chambré après.
Les accouchements vinyliques les plus difficiles ?
Déjà la fameuse pochette du 45 des Thugs (janvier 85) imprimées avec les 4 titres. Le graveur
avait dit au groupe que 4 titres ça n'irait pas, mais le groupe élevé à la dure école du Rock 60's
connaissait les EP 45t et avait persisté. Effectivement, le son n'était pas bon, il a fallu réimprimer
toutes les pochettes. Puis la compil "Les Héros" (décembre 85), on avait demandé un découvert
a la banque qui nous l'avait refusé, il fallait payer les pochettes, le pressage et c'est là qu'est
la question "Où s'arrête la magouille où commence l'escroquerie ?". On a carrément mis le couteau
sous la gorge de la banque, on a fait les chèques, sorti le disque, et on leur a amené pour accepter
de régler les chèques, et ils ont fini par accepter. On avait 10000 balles de découvert, c'était
énorme pour nous ! Ensuite, sur le premier album des Rats y'a eu des délires (gravure ?), ce qui
fait qu'il n'est pas bon, on ne sait pas vraiment d'où ça vient. Sinon pour le maxi de Parabellum
"4 garçons dans le brouillard" il y a eu 3 gravures !! Le premier mix au studio WW ne convenait
pas au groupe (et le parti pris de Gougnaf a toujours été de laisser le libre choix aux groupes pour
la production, la gravure etc), ensuite ils ont remixé dans le studio où les Carayos et LSD ont
enregistré, à mon avis un mauvais studio. Le mec leur a fait un mix syndrome Stones français
(Téléphone, Blessed Virgins, Cyclope), le rock qui bande pour la variété : caisse claire et voix
en avant, mur du son coupé en deux, stéreo, enfin zarma quoi ! y'a quand même eu une gravure !
et le groupe dit Fuck ! et puis le troisième mix début juin a été le bon. Au moment de l'album,
c'était une des nombreuses périodes où le groupe s'engueulait avec Géant Vert, et pour la
pochette du 45t l'embrouille a duré un mois et demi, et c'est sorti en juin au lieu d'avril, tout ça
pour une illustration qui représentait la face B, c'était assez rigolo !!
Quelles ont été les co-productions et qu'en penses tu ?
Je trouve l'idée super intéressante, ça permet de lier deux labels, de bosser ensemble. On a fait
quatre co-productions et dans trois cas ça s'est mal passé ou ca ne s'est pas passé du tout !
Le premier 45t de Parabellum avec Réseau Alternatif (France Profonde), la compil "Les Héros"
avec Kronchtadt, c'était notre projet, et eux devaient nous aider, ils se sont bien impliqués, mais
ne se sentaient pas du tout concernés par l'édito-brulot, et puis il y a eu d'autres galères. La
seule qui se soit bien passée c'est avec Bondage, pour l'album de Parabellum, peut-être aussi
parce que le disque a marché. (la quatrième est le disque des Mescaleros avec Gymnote).
La ligne artistique du label, fondée sur le feeling, a permis de lier différentes chapelles, punk,
rock, HC, Rockab, est-ce que c'est risqué ? Payant ?
En aucun cas nous n'avons signé de groupe en pensant que ça allait marcher. Nous faisons
partie des labels, avec Bondage, Visa qui avons découvert le plus de groupes qualitativement,
et on a toujours privilégié la découverte, c'est même aujourd'hui ce qui me branche le plus au
sein d'un label, écouter des K7, voir les groupes. On a toujours fait les choses au feeling, à
l'instinct, on ne signe pas les groupes par rapport à leur style musical, mais uniquement si on
aime le groupe, point à la ligne. On s'intéresse à leur démarche évidemment mais on n'a pas
d'a priori envers le style, 2 exemples : il y a ultra longtemps qu'on veut faire un groupe de ska,
jusqu'à présent aucun ne nous branche, le jour où ça arrivera certains diront "Tiens Gougnaf se
met au ska". Au sujet du HC, on nous a fait le même coup avec les Parkinson, du genre "vous
récuperez le mouvement, vous prenez le train en route". Tout d'abord on ne se prétend pas
découvreur de HC, et puis si certains veulent que ça reste dans le ghetho ... déjà que ça ne vend
pas beaucoup. Je connaissais Akiss depuis longtemps et on s'était promis de faire un disque
ensemble, mais c'est surtout parce qu'on trouvait le groupe très bien, les Noodles et les Rats
ont pris une grande claque en les voyant. C'est peut-être prétentieux mais il y a une certaine
qualité ! Quand tu fais un label, il faut être convaincu que ses groupes sont les meilleurs, c'est
le mimimum ! Et puis tu vois, ce sont les mêmes gens qui n'écoutaient pas Les Thugs il y a
deux-trois ans et qui disent aujourd'hui que c'est du HC, alors la je dis Gougnaf a fait un groupe
de HC en 84 et le débat est clos !! J'en ai marre de ces gens qui veulent être à l'avant garde du
mouvement de l'avant garde !! Le rock doit être rebelle, être un fantasme. Ok je suis le premier
à fonctionner comme ça, évidemment que ça me fout les boules quand des blaireaux se mettent à
écouter un groupe que tu aimes, que le phénomène de mode s'en mêle, mais entre ça et le
confinement, je pense qu'il y a une place à trouver. Il y a des mecs qui disent n'importe quoi, j'ai
lu une interview de Vlad des Brigades qui disait "Gougnaf est un label r'n'r qui ne signe que
des groupes de r'n'r", ça me fait hurler de rire ! ou encore que la tendance était au HC à cause
de Parkinson Square et des Trottel. Surprendre va devenir un jeu ! Parce que notre intérêt est
multiple, polyforme. On va faire une compil avec des équipes de Foot ! des groupes anglais qui
jouent au foot, et je prépare un livre-disque à la manière de ce qu'avait fait The Ex sur la guerre
d'Espagne, un truc arty sur le surréalisme et le suicide, où les groupes évolueront dans un registre
qui n'est pas le leur, et j'ai d'autres idées.
Comment et quand Juliette est arrivée dans Gougnaf ?
En février 86, elle a commencé a Juvisy, a la fin de cette période, mais c'est surtout à Angers
avec le Wardene qu'elle a contribué au label. Elle a apporté énormement d'énergie, mais
elle est responsable de tant d'embrouilles humaines que je préfère ne pas en parler. Point.
Les récents problèmes qui ont eu lieu chez Bondage et chez Gougnaf découlent en partie des
rapports humains/bizness. Qu'y a t'il de plus a craindre, que préconises tu pour éviter ce genre
de situation ?
Houlala ! Ce n'est plus quelques pages, mais le numéro entier qu'il faudrait pour répondre !
Par quoi commencer. C'est vrai, que les problèmes humains et bizness sont étroitement
liés, autant chez Bondage qu'à Gougnaf. Je m'explique : il y a eu 3 choses : les Bérus, phénomène
unique dans l'industrie du disque en France, ont adopté une ligne dure et radicale, et même les
groupes qu'avaient des tendances "machoires qui dépassent du duffle-coat" si tu vois
ce que je veux dire, ont été obligés de rabaisser leur caquet à cause de cette position ultra
dure à stigmatiser tous ceux qui étaient mal peignés dans les rangs. Enfin c'est une image.
Donc tous les groupes qui avaient des tendances squalesques gardaient des positions dures
et claires ! Ils avaient l'idée qu'on pouvait rester radical et avoir un peu de succès, ce qui était
bien. A partir du moment où les Bérus ont un peu baissé les bras, et que la Mano a signé avec
Virgin, ça a commencé à décomplexer pas mal de monde. Dans le même temps, l'arrivée
d'Eurobond, le label de Just'in, avec la compil "Sang neuf", avec des méthodes de majors et le
discours indé, en gros c'est "le discours du dimanche et la pratique de la semaine". On avait déjà
eu un avant goût avec Boucherie, enfin non y'a une grosse différence, Eurobond "c'est la major
qui se veut intelligente" : faire de l'argent avec les groupes en les laissant tels quels. Tandis
que les majors en France sont restées queblo en 63 ! Si tu parles de drogue, de politique,
on ne te signe pas ! A partir de là, tu ne peux pas lutter avec des gens qui ont des financiers
derrière, même si le Staff n'est pas très bon, un jour ça finira par payer, et je ne sais pas où
on sera. Quand tu sais qu'ils ont été rachetés par la GMF, sous réserve que l'info soit exacte,
et puis c'est clair, que ce ne sont pas des militants de la révolution Sandiniste ! :-) D'ailleurs
ils ne se revendiquent pas comme tels, par contre ils vont revendiquer leurs groupes de
l'alternatif, ça c'est du 100% ! Parallèlement, certains groupes ont commencé à s'user, des
groupes qui faisaient des concerts pas chers, mais qui galéraient financièrement. Tous ces
éléments de la crise, conjugués au fait que Gougnaf ou Bondage et plein d'autres ont aussi
fait des erreurs. Le prévisible est enfin arrivé. Alors préconisez nous quelque chose ! On ne
peut pas vouloir que des labels comme Bondage ou nous soient dadaistes, fonctionnent
furieusement dans le sens punk du terme, avec toute la folie que ca véhicule (et c'est aussi
pour ça que cela a marché, à cause de la folie) et des idées difficiles à gérer pour un label
avec des contingences purement capitalistes; on ne peut pas avoir tout ça et que les labels
soient des caps de Misubitshi qu'ils aient une rigueur insensée. Il y a une contradiction, même
si on progresse, on devient "pro", au départ on a un handicap ! Si je devais faire un parallèle
assez osé, c'est comme entre le RPR et le PS, les uns peuvent gouverner sans problèmes, avec
la logique capitaliste, avec un système d'inégalités, sans se poser de questions. Pour le PS,
il faut gérer la même chose tout en défendant les intérêts de gauche, donc forcément, ils ont
le cul entre deux chaises. C'est un peu simpliste, mais c'est pareil pour nous, les autres
(majors ou gros indépendants) n'ont pas de problème d'éthique, ils ne parlent même plus de
disques ou de groupes mais de produits et d'artistes, le "chabada mouvement" j'appelle ça !
A partir de là, il n'y a pas grand chose a en retenir, ils pourraient vendre des frites, mais il
parait que les disques c'est plus facile pour draguer les loutes ! C'est un vaste débat, il
faudrait analyser la situation dans son ensemble.
Pourquoi être resté en asso ?
Top secret du top secret ! Il n'y a pas de grande différence entre une asso et une SARL,
sauf que pour la seconde, il faut apporter 5 batons de capital. Evidemment, la gestion
demande à être plus rigoureuse, et c'est surtout plus crédible auprès des banques.
Les avantages de l'asso c'est de moins se prendre la tête, par exemple on ne paie pas
la TVA et je sens qu'un jour, on va se faire embrouiller violemment ! Nous sommes en
train de voir pour passer en SARL.
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