Extrait d'interview de Christophe Sourice par the Tad du fanzine Violence #4 (Avril 1991)
Quelles sensations retires-tu de ton rôle de producteur ?
C'est à dire que producteur, je ne sais pas trop ce que ça veut dire
vraiment. Je pense que ça dépend des gens. Moi, je suis pas du tout
ingénieur du son, donc ça fait quand meme une différence. Je considère
que dans un enregistrement il y a d'abord le groupe avec sa musique.
C'est le plus important, car si le groupe n'est pas bon, tu peux
avoir un son merveilleux, ça ne sera toujours pas bon. Ensuite, il
y a l'ingénieur du son qui prend le son du groupe pour que ça soit
bien et après il y a le producteur pour donner une direction au mix.
On pourrait dire direction artistique.
Un peu le gendarme ?
Non, non surtout pas ca !
Je veux dire le gendarme pour régler un peu tout ca quoi
Voila oui ! Dans un studio tu as toujours des revues sur la sonorisation
ou l'enregistrement qui trainent. Je ne lis jamais ça. Mais des fois,
quand on a pas grand chose à faire. Et je lisais une interview de
Tony Visconti, loin de moi l'idée de me comparer à lui, mais il dit
une phrase en parlant des producteurs, il dit "le producteur, il
garde son contrôle quand tout le monde délire dans le studio". C'est
un peu comme ca que je vois les choses. Mais bon c'est ma manière de
travailler, mais je ne sais pas si c'est cela la production. Mais le
plaisir que je peux en tirer, ce qui m'a toujours intéressé, c'est
quand je vois des groupes sur scène que j'aime, je me dis que sur
disque j'aimerais que ca soit comme ci ou comme ça. En général,
j'aimerais que ce soit sur disque comme sur scène. Donc essayer de
retranscrire ça sur un enregistrement, ça m'a toujours intéressé.
En même temps, c'est aussi pas mal de responsabilités.
Qu'est ce qu'il te stimule le plus : être derrière les manettes
en studio ou (être derrière) jouer avec Les Thugs ?
Moi j'ai toujours bien aimé les deux. Enregistrer, ça m'a toujours
fasciné ce côté studio, que tu aies 4, 8, 16 ou 24 pistes. Petit à
petit tu construis quelque chose et petit à petit ça commence à
ressembler à quelque chose. Disons qu'en général, plus ça avance,
plus c'est enthousiasmant. En même temps j'ai l'impression presque
de plus travailler quand je fais de la production que quand on fait
des concerts. A la limite, les concerts, c'est peut-être plus fatigant.
Le studio c'est 12 heures par jour et tu ne fais que ça. Tu va en
studio, tu rentres, tu manges, tu vas te coucher, tu te lèves, tu
déjeunes et tu retournes en studio.
En parlant des Thugs je suppose que tu produis le prochain LP ?
Oui. Enfin pour ça, produire, je ne sais pas trop ce que ça veut dire.
Comme le disent Les Thugs, je n'ai pas l'impression de produire grand
chose, dans le sens ou il n'y a pas des tonnes d'arrangements, des
choses rajoutées. La plupart des morceaux, c'est le groupe tel qu'il
est. Je suis là pour assurer qu'au niveau du mix, il y aura suffisament
de guitares, de voix et qu'il y aura l'équilibre général qui me plaira.
Sinon il n'y a pas vraiment le côté travailler un son genre : se
prendre la tête sur un son de caisse claire pendant une journée. Ce
n'est pas que je pense que ça n'est pas bien, mais ce n'est pas mon
truc.
T'est t'il dur de dissocier avec Les Thugs ton rôle de musicien
du groupe et celui de producteur ?
Ca ne me pose pas de problèmes. J'interviens surtout au niveau du
mix, en montant ou en descendant des niveaux de volumes ou de
reverb. C'est surtout ça que je fais. C'est là que tu peux tout
changer, en mettant une voix ou une batterie devant et une guitare
a des kilomètres ou le contraire.
Pour toi la production idéale et parfaite c'est quoi ?
Je ne sais pas. La production idéale et parfaite ce serait le disque
dont le groupe serait content, dont moi je serais content, c'est la
production parfaite. Mais moi je pense que je n'y arriverai jamais,
je pense que ca n'arrivera jamais et en tout cas, moi ca ne m'est
jamais arrivé.
Ne penses tu pas, vu le manque de producteurs en France, que
c'est juste un probleme de timidité de la part des gens ?
Ouais ! Mais je crois que ça vient de toute facon. Regarde Gilles,
le batteur d'Hydrolic System, commence a produire des groupes. En
plus, il est ingénieur du son, il travaille surtout dans un 12 pistes
à côté d'Angers où il a fait le 45 des Shaking Dolls. Il commence
à bien maitriser la technique. Au niveau production, il a fait des
trucs bien. Le problème des ingénieurs du son, des qualifiés en
France, est qu'ils n'ont pas l'habitude de faire du rock. Donc il
faut quelqu'un pour les orienter ou un ingénieur du son rock. Quand
je dis rock, ça veut dire qu'il n'ait pas peur d'entendre une guitare
saturée, et quand le groupe veut des guitares qui éclatent la tête,
qu'il sache le faire. Mais ça, ça va venir. En même temps, il n'y a
quand même pas des milliers de groupes qui enregistrent. Ceci dit,
au niveau du son des disques en général, il y a eu vachement de
progrès depuis le début des annees 80. Ca n'a été qu'en s'améliorant.
C'est vrai qu'à une époque, un disque d'un groupe alternatif ou
indépendant ne sonnait pas bien. C'est rare que maintenant quand
j'écoute un disque de groupe français, je ne trouve pas ça bien.
Parfois je me dis que je n'aurais pas fait comme ça, mais rien de
scandaleux. Mais un producteur ce n'est pas quelque chose d'obligatoire,
Les Thugs notamment. Je pense qu'il y a des groupes qui sont capables
de se débrouiller tout seuls avec ça. Ca suppose aussi, qu'il faut
s'y intéresser un minimum. A la base, un musicien, on va lui demander
de jouer bien, de composer bien. Après produire et surtout mixer
est un tout autre boulot. C'est comme faire une pochette, tout le
monde n'est pas obligé d'avoir des aptitudes pour faire ça. Comme
manager un groupe, moi, je serais incapable de le faire.
Il faudrait surtout que les groupes se disciplinent avec le son.
Oui. Surtout, enfin c'est ce que je pense, sur la musique en général
en France, il faut qu'ils ne soient pas complexés par rapport aux
groupes étrangers. Il faut qu'ils assument ce qu'ils veulent faire,
ce qui leur tient à coeur et qu'ils n'hésitent pas à aller dans les
extrèmes.
Extrait d'interview des Dirty Hands du fanzine Violence #4 (Avril 1991)
Est-ce une obligation de prendre Christophe Sourice comme
producteur quand on est chez Black & Noir ?
Doumé : chez Black & Noir, tu fais ce que tu veux à partir du moment
que c'est possible avec le budget alloué. Maintenant, avec Chrisophe
on se connait depuis plus de dix ans et hors musique. Avec Gilles,
on avait travaillé avec lui pour les disques des Noodles. On a fait
le 45 des Dirty et on en était satisfait. Donc c'était bien pour nous
de rebosser avec lui. Mais on n'est pas forcé de le prendre. Par
exemple, l'album des Shaking Dolls est produit par Gilles Théolier.
Et les Deity Guns qui viennent d'enregistrer le leur, le produisent
eux-memes avec Gilles à la prise de son. Il faut surtout bien dissocier
Les Thugs, Black & Noir, et Christophe Sourice.