AS HAPPY AS POSSIBLE



Eric (Feel It #4) : Il faut prendre "As Happy As Possible" au second degré. Certaines personnes se sont trompées là-dessus. Ce qu'on voulait dire, comme à travers l'idée générale du disque, c'est qu'on est aussi heureux qu'il est possible de l'être dans ce monde qui est une sacrée merde. C'est donc positiviste surtout qu'on estime avoir de la chance : on ne vit pas sous une dictature ni dans un pays en guerre, on est blancs ce qui est un sacré avantage dans le monde, on n'est ni pauvres ni SDF. Donc on aurait tort de se plaindre. Mais c'est en même temps un second degré car malgré tout cela, il y a plein de choses qui se passent dans ce monde et qui nous font énormement chier et nous obligent à ne pas nous considérer comme des êtres heureux tant que la planète ne le sera pas entièrement. Sub Pop nous avait conseillé de le faire (l'album) plus court. Ils auraient voulu qu'on garde des morceaux pour la suite vu qu'on compose très lentement. En arrivant au studio, on avait plein de morceaux. On savait que ce serait un album plus long mais on ne s'est pas posé de questions. Eric (Extra Jazz #24 à propos de la photo de la porte murée) : C'est une photo que j'avais prise juste à côté d'Angers, en banlieue, dans une ancienne gare. Je ne vais pas t'expliquer ce que ça veut dire. Dans le concept de la pochette, "As Happy As Possible", mais ça veut peut-être dire aussi qu'il n'y a plus d'espoir ... C'est moi qui ai conçu la pochette avec Christophe. La photo intérieure, c'est nous qui l'avons prise aussi. Chaque élément a une signification, c'est évident : la porte, la vue d'Angers derrière les textes ... On est de cette ville et ça nous concerne. On tient à faire un maximum de choses par nous-mêmes. La photo, c'était du côté de Trélazé, qui était la capitale européenne des ardoisières, et où toutes les mines ont pratiquement fermé. On vit quelque part, une ville qui s'appelle Angers et ses environs, et nous, on y participe, ca nous concerne. Le seul message qu'on pourrait à la limite délivrer, c'est un peu le titre de la compilation "Black et Noir" : "Enragez-vous !". Il faut réfléchir avoir un esprit critique. Il ne faut pas tout accepter comme étant la vérité. Il faut aller voir par soi-même et essayer de récupérer un maximum d'informations pour réfléchir. En même temps, on ne peut agir que sur les gens qui nous entourent. C'est le seul message que nous on peut avoir. Kurt Bloch joue du violon sur Harpo's Theme Eric (Extra Jazz #24) : Musicalement, ça change un petit peu, au niveau des guitares, de ce qu'on faisait d'habitude. Ça correspond à ce qu'on a fait sur ce disque-là, il y a des choses qui changent par rapport à ce qu'on faisait. Christophe est un fan de vélo il adore ça. Quand il a du temps libre il fait de grandes balades à vélo. C'est peut-être une certaine façon de faire le vide, de s'évader du monde qui l'entoure, tout en y étant complètement - t'es remis à la réalité quand tu te trouves coincé entre deux bagnoles. Ça pourrait paraître quelque chose d'un petit peu gadget mais c'est aussi un symbole. Je parlais tout à l'heure d'écologie, on est dans un monde qui pollue à tire-larigot et le vélo c'est un peu le retour à la nature, à des choses un peu saines. Christophe (Prémonition #15) : On aime tous le vélo, regarder le tour de France, se déplacer dans Angers ... Mais Biking ne vante pas vraiment notre amour du vélo. Rien à voir avec "A Paris, en vélo on dépasse les autos". Les paroles s'attachent plutôt au côté souffrance de la vie avec ses hauts et ses bas, à l'image du cycliste solitaire dans la montagne. Le vélo n'est ici qu'une métaphore. Christophe (Prémonition #15) : D'ordinaire on a des morceaux et il faut leur trouver des titres. Quand il y a des paroles, la solution est simple : on choisit le mot qui revient le plus souvent dans le texte ou le refrain. Avec les instrumentaux, on peut se permettre tous les délires. (...) Pour revenir à Immigrés, Clandestins, on a constaté son petit côté arabisant au moment du grand débat sur le code de la nationalité. On a voulu montrer de façon claire de quel côté on se tenait. Surtout que ce discours s'applique aussi au sort réservé par les Américains aux Mexicains. Les Thugs (Le Jour 23/10/93) : Depuis notre dernier album, début 91, la situation des immigrés a empiré dramatiquement. Nous avons intitulé "Immigrés clandestins" en français pour faire directement référence à ce qui se passe ici, en France. Nous étions "tous des juifs allemands" en 68. Aujourd'hui, on dira "nous sommes tous des immigrés clandestins. [...] De Billy Childish, auteur d'une superbe chanson sur les Indiens d'Amérique, à Sinead O'Connor qui refuse de chanter l'hymne américain pendant la guerre du Golfe, tous sont ce que nous appelons entre nous des camarades. Eric (Hyacinth #13) : Dans les remerciements on a cité Sinead O'Connor qui a refusé de chanter l'hymne américain pendant la guerre du Golfe, l'histoire avec le pape, etc ... C'est tellement courageux de sa part, et maintenant elle est grillée, plus personne ne veut entendre parler d'elle. De toute façon Dreamer's Song je l'ai fait en pensant à elle, c'est plus le personnage .... Quelqu'un comme Billy Childish aussi qui a fait une compilation pour les peuples américains d'origine, les "native people" qui ont été décimés ou qui survivent dans des conditions précaires parce que l'homme blanc est arrivé. Christophe (Prémonition #15) : Avec les instrumentaux, on peut se permettre tous les délires. C'est le cas de Monkey 58 Strings Sonic Fly qui tire son titre du nombres de cordes utilisées : "58 Strings" accolé à "Sonics", nom d'une équipe de basket et du groupe de rock de Seattle, où l'on a enregistré l'album. Eric (Hyacinth #13) : Cette chanson, c'est par rapport à quelqu'un qu'on connaît qui a failli y passer, c'est pas vraiment un suicide mais plutôt de la mort à petit feu. Tu te fous plein de trucs dans la tête et à un moment tu te retrouves à l'hôpital et tu risques d'en crever, et t'en crèveras un jour car de toutes façons c'est trop tard. C'est plus pour dire d'une personne à une autre : reste, parce qu'on t'apprécie et qu'il y a des choses à faire. C'est sur qu'on va pas dire que tout est beau et magnifique et que tu es con de vouloir quitter cette merde. Mais il y a malgré tout des choses à faire et qu'on peut essayer de ... Tu vois il y a des bons cotés aussi, des moment où on peut rigoler Christophe (Prémonition #15) : J'ai la nette impression qu'on vit dans un monde où personne n'est heureux. Tout le monde court après le bonheur et flippe. J'ai du mal à trouver des gens autour de moi qui pètent la joie. D'où le titre de cet album. Cette chanson ne reflète pas une envie de suicide mais plutôt de désespoir. Instrumental joué par Eric seul. Eric (Devor Rock #15) : On procède d'un certaine manière pour composer les morceaux. Thierry et moi, on est chez nous et on cherche des morceaux. Rarement, on amène des morceaux entiers. C'est plutôt des idées, des riffs qu'on va travailler plus tard en répétition. Et ça m'arrive de trouver ainsi des petits instrumentaux très très courts. Et là, j'avais décidé de les enregistrer. Et puis, les autres ont écouté ça. Et à la fin, on s'est dit pourquoi ne pas les enregistrer. Et puis, ça tombait bien car vu que le disque était long, il fallait des espèces de respirations. Sinon, il y a plein de bruitages dans le disque, ce sont des bruits qui correspondent à notre vie dans le studio.

@Looking In Your Eyes

When I'm looking in your eyes My life becomes a paradise And when in your mind you feel sad I always try to make you smile We'll never know if tomorrow This world won't be too mad But I'm sure we'll still be in love Let's walk together for a while Let's share our time if we feel fine I swear love won't tear us apart Even if sometimes it's so hard One day will come, if you can't wait We'll fly to planet Mars And we'll make love 'Til the end of time Let's walk together for a while Let's share our time if we feel fine Let's dream that it could never end. Eric (Hyacinth #13) : C'est Christophe qui a écrit cette chanson mais je suis d'accord avec lui. C'est très précisément en rapport à la pub pour NRJ. C'est la récupération de plein de choses, de Lennon à la chute du mur de Berlin ou le massacre des baleines. Utiliser ça pour promotionner une radio c'est horrible. Est-ce une radio qui soutient Greenpeace ou qui incite les gens à réagir, à bouger; pas du tout. Ils sont là pour passer la musique que les majors, le monde du business leur disent de passer et c'est tout. Instrumental joué par Eric seul. Eric (Hyacinth #13) : Quand tu prends ta guitare et que tu fais un morceau lent ou langoureux, ça correspond à un état d'esprit, sans que ça soit volontaire. Autant au niveau des paroles, des titres de morceaux, au niveau de la vision de l'album ça correspond aussi à ce que nous on vit, la façon dont on voit le monde pendant une période. Je trouve qu'en ce moment il y a une misère qui commence à devenir universelle et il y a des gens qui souffrent, sous des dictatures, de la faim, de la guerre etc ... Et les 3 petits morceaux c'est pour dire qu'à droite et à gauche il y a des souffrances. A la fin de la chanson on entend l'Internationale Christophe (Prémonition #15) : En ce moment on est révoltés par la montée de tous les nationalismes. C'est tellement facile de faire mourir des gens au nom d'un drapeau, d'une cause patriotique. De leur faire croire qu'ils se battent pour défendre un idéal. Une guerre camoufle toujours des intérêts économiques ... bien sûr, les paroles engagées des groupes de rock n'ont jamais changé le monde. Elles ont même été parfois dénaturées et récupérées. Flags n'a pas pour ambition de changer le monde ou d'influencer les gens. Ces paroles ont été écrites pour deux raisons. La première est qu'on veut montrer clairement de quel côté on se tient. On ne veut pas que notre public se demande comme à propos de certains groupes US, si l'on approuve les fafs. La deuxième raison, c'est que si j'entends quelqu'un qui partage mes opinions, ça me fait plaisir et je me sens moins seul... Flags est la seule chanson dans cet album qui contienne des paroles aussi revendicatives. Elles viennent d'un coup de colère et, comme telles, doivent être prises au premier degré. Mais, en général, on est beaucoup moins affirmatif. Les Thugs (Le Jour 23/10/93) : Quels que soient les détournements qui ont été faits de l'"Internationale", ça n'enlève rien à la beauté originelle des paroles. C'est aussi une façon de dire qu'on est toujours du côté de Marx, malgré le soi-disant capitalisme triomphant. [...] Attention, nous ne sommes qu'un groupe de rock. Nous désirons seulement qu'il n'y est aucune ambiguité sur notre compte. Que des gens, qui apprécient notre musique, partagent ou non notre vision du monde ne nous tracasse pas outre-mesure. Nous voulons simplement que les gens ne payent pas trop cher leur place, que tout se passe dans une bonne ambiance, sans embrouilles ni bastons, que le service d'ordre soit correct. Christophe (Prémonition #15) : (Questionné sur la lenteur du morceau) Pourtant le riff de guitare vient de Thierry, le plus branché hardcore. Jusqu'ici, c'est vrai, le tempo était très souvent speed moyen de temps en temps et lent très rarement. On réagit au plaisir et non au tempo.

@(Wang Leaves China)

Instrumental joué par Eric et Pierre-Yves. Christophe (Prémonition #15) : Ces interludes sont des petites mélodies qu'Eric compose seul chez lui à la guitare avec son magnéto, en cherchant de futures compositions pour le groupe. A la fin de l'enregistrement, on s'est rendu compte que l'album serait très long, et qu'il serait composé de morceaux très cartons. On a donc enregistré ces interludes pour le rendre moins monotone et pour que les auditeurs s'en prennent moins plein la gueule. L'album se termine sur un rire d'enfant (celui du fils de Chris Hanzeck). Christophe (Prémonition #15) : Ce fou-rire vient d'une idée qui tenait à coeur à Pierre-Yves. Moi, je n'ai pas d'enfant et, a priori, je ne tiens pas à en avoir, quoique j'apprécie énormément leur innocence que tu ne retrouves jamais plus chez les adultes. Mais avant tout, ce fou-rire est lié au graphisme de la pochette, et c'est un joli pied-de-nez à tous ceux qui nous considèrent comme un groupe de hardcore. Pierre-Yves (Rock Hardi News) : Quand on a fait ce petit instrumental, je voyais bien un rire de môme pour finir. On s'est débrouillés pour le faire et ça met une petite note d'espoir à la fin, même si le rire peut ne pas paraître spécialement drôle non plus. C'est vrai que c'est 5 secondes d'espoir dans ce disque. Bon, on ne va pas se pendre, on n'est pas désespérés non plus, mais c'est vrai que ça donne un peu de lumière. Retour à la section albums / Retour au sommaire